lundi 24 octobre 2011

Les tunisiens au lendemain de l’élection de l’Assemblée constituante : Entre optimisme et méfiance

A quoi va-t-on assister ? A la prise en main presque définitive de la transition démocratique par le pouvoir en place ou au début d’un processus de tiraillements, de déchirements et de luttes ? « En ce 24 octobre, on est désormais libres, on peut crier haut et fort notre triomphe », Hosni, qui a défilé au boulevard Habib Bourguiba jusque tard dans la nuit même du scrutin, voit l’avenir de la Tunisie en rose.







Et il n’est pas seul à le croire. Elections pluralistes, à Tunis ou ailleurs, sans Ben Ali, sans son parti, le RCD en l’occurrence… ce moment avidement attendu et qui relevait de la chimère est aujourd’hui une réalité. Victoire de la démocratie, mais aussi victoire de la révolution, plusieurs Tunisiens donnent peu d’importance à l’identité de la tendance politique qui remportera le scrutin, en donnant le plus grand intérêt à cet aboutissement unique dans l’histoire de la Tunisie. Différentes rues, au centre de Tunis ou dans les quartiers populaires, les résultats de l’élection de dimanche et les lendemains de la Tunisie sont sur toutes les lèvres. De la fierté, l’enthousiasme pour certains et de l’inquiétude pour d’autres. Rue de Marseille, un groupe d’adolescents feuillettent la presse. Les grands titres attirent leur attention. Discussion tranquille devenue un brouhaha par la suite. Ali, Akram, Nesrine… tous parlent en même temps.
« On a élu librement une constituante, mais rien n’est acquis. Le nouveau gouvernement aura du pain sur la planche. » Ils veulent être assurés que le futur gouvernement leur fera oublier ce qu’ont vécu leurs parents. La discussion gagne en importance et les avis en divergence. Nabil, étudiant en sciences politiques, craint que la Tunisie persiste dans la transition. Et si c’est le cas, dit-il, « le pays risque de connaître d’autres épisodes aussi ténébreux que ceux vécus sous le régime dictatorial de Ben Ali.» Un moment de réflexion, puis le jeune d’El Medina reprend : « J’espère que les élus seront intègres, humbles et honnêtes sinon le saut vers la démocratie tant chanté par tous, risque de se transformer en un saut vers l’inconnu.» Ces craintes sont justifiées. Aucun Tunisien ne connaît les noms des futurs responsables. Les résultats officiels n’étant pas connus au moment où nous mettions sous presse, tous les scénarios sont possibles.
Ennahda au cœur des débats
Parmi les citoyens avec qui nous nous sommes entretenus, ils sont nombreux à redouter la montée fulgurante du parti Ennahda, d’obédience  islamiste. « Nos islamistes axent leurs discours sur la morale, sur l’ordre. Ils prônent une société harmonieuse et sereine, avec cette expression délicieuse, d’inspiration religieuse, où chacun serait respectueux de l’autre, un monde idyllique en somme, un paradis sur terre ». Haussant légèrement sa tête, Noura, architecte, estime que le pays a encore du chemin à parcourir. Comme les optimistes, ils sont aussi nombreux à craindre de voir se perpétuer les grandes illusions qui ont fait tant de mal au pays.
« Ils tentent de nous faire croire qu’un régime islamiste fera que notre population se transformera en un peuple sage, ordonné et respectueux comme par magie », souligne la native de Sousse, venue faire ses achats à la capitale. Fracture ? Prise en main de la révolution ? Quelle est vraiment la situation 24 heures après élections de l’Assemblée constituante ? C’est encore tôt, estime Salma, journaliste dans un site électronique, de dire si l’élection de la Constituante ne consacrera en fait que la prise en main presque définitive de la transition démocratique par le pouvoir en place ou si elle représentera, au contraire, le début d’un processus qu’on n’ose même pas imaginer

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