mercredi 23 novembre 2011

Tunisie – Ennahdha domine les premières tractations démocratiques

La Tunisie a vécu, en ce mardi 22 novembre 2011, un moment fort et haut en symbolique de son histoire avec la tenue de la séance inaugurale de l’Assemblée nationale constituante. L’importance de cette journée réside dans le fait qu’elle est la conséquence et le prolongement d’une autre journée aussi historique, sinon plus, celle du 23 octobre 2011, qui a abouti à l’émergence de cette Assemblée dont les membres sont élus, pour la première fois dans l’Histoire de la Tunisie, d’une manière démocratique, libre, neutre et transparente.




La première journée a été marquée, à la fin, par un fait positif et marquant avec l’élection de Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général du parti d’Ettakatol, à la présidence de la Constituante face à Maya Jeribi, candidate de « l’opposition ». Nonobstant le score obtenu par l’un et l’autre, l’événement est à saluer dans le sens où il rompt avec la mentalité du parti unique et du candidat unique qui ont toujours régné dans de pareilles situations.
L’hommage rendu par M. Ben Jaâfar à son « adversaire » et l’invitation qu’il lui a lancée à prendre la parole dénotent de ce nouvel état d’esprit de respect de l’autre et de la consécration de la démarche démocratique et pluraliste, ce qui a été apprécié à sa juste valeur et par les élus présents et par toute la classe politique.

D’autre part, et en attendant l’élection du nouveau président de la République provisoire, très probablement, Moncef Marzouki, secrétaire général du CPR, et la nomination de Hamadi Jebali, secrétaire général du Mouvement Ennahdha, au poste de chef de gouvernement, la Constituante a procédé à l’élection des deux commissions chargées de l'élaboration du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale Constituante et de l'organisation provisoire des pouvoirs publics.
Une élection qui fait révéler la nature des blocs et des groupements ainsi que leur poids et tendances au sein de l’Assemblée.
A ce propos, de nombreuses voix se sont élevées en vue d’imposer le respect de la durée du mandat de la Constituante à un an selon l’engament signé par 11 des 12 partis représentés à la « défunte » Instance de Ben Achour, de limiter l’hégémonie du parti de la majorité, de faire prévaloir le principe du pluralisme et de prendre en considération les recommandations de la même Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.

Qu’en sera-t-il pour le suivi de ces doléances ? Difficile à prédire, du moins dans l’état actuel des choses dans la mesure où les représentants des trois « grands » partis de la Constituante semblent avoir d’autres chats à fouetter et des préoccupations plus terre à terre.
En effet, les tractations battent, de nouveau, leur plein pour les affectations des divers portefeuilles ministériels, notamment, entre les trois formations politiques coalisées. Les nominations se font et se défont au gré des humeurs et des rumeurs via les pages des facebookers, sans parler des fuites savamment dosées.

A titre d’exemple : Habib Essid était appelé, hier, à rester au département de l’Intérieur. Aujourd’hui, c’est Noureddine Bhiri qui est pressenti, sachant que M. Mohamed Abbou avait tout fait pour mettre tout le monde devant le fait accompli afin d’avoir ce poste ou, à défaut, celui de la Justice. Finalement et selon les fuites les plus « récentes », ce serait Abderrazak Kilani, actuel bâtonnier de l’Ordre des avocats, qui prendra ce ministère de souveraineté.
Lobna Jeribi est « nommée », tour à tour, au Tourisme et aux Technologies, mais la personne concernée a démenti. Quant aux Affaires étrangères, il semble que le poste va revenir à Samir Dilou. Une certitude, tout de même : le portefeuille de la Défense gardera son titulaire actuel. Comme quoi, on ne badine avec les militaires.

Entretemps, Hamadi Jebali, la personne la mieux placée pour donner ce type d’informations, a préféré ne pas faire de déclaration sur la composition du gouvernement afin «de respecter le déroulement du processus au sein de la Constituante».
Par contre, il a été clair concernant le régime politique à choisir. «Ennahdha, a en tant que groupe à la Constituante, défendra le régime parlementaire. Nous parviendrons sûrement à un consensus sur la question ou alors nous passerons au vote», a-t-il dit en substance en réponse à une question de la TAP.
Sans critiquer la position du secrétaire général d’Ennahdha, car un parti majoritaire est en droit « d’imposer » ses choix par la voie démocratique, à savoir le vote, il est bon de souligner que dans le cas où le régime parlementaire serait adopté, on assisterait à une concentration des pouvoirs entre les mains du futur Premier ministre, alors que les deux présidents n’auraient plus, de ce fait, que des prérogatives honorifiques et protocolaires.

D’autre part, deux autres problématiques sont à prévoir. D’abord pour les trois partis politiques dont les secrétaires généraux occuperont les trois postes clés, à savoir les deux postes présidentiels et celui de chef du gouvernement. Ils se trouveront certainement dans l’obligation de changer de leaders. Ensuite, il y aura la question des vacations au sein de la Constituante puisque nombreux sont les élus des trois mêmes partis qui courent derrière les postes ministériels, apparemment, plus attirants et plus alléchants. À ce rythme, on pourrait se retrouver avec une vingtaine de sièges à pourvoir !

En fin de compte, l’apprentissage de l’exercice démocratique après plus de cinquante ans de sevrage et de verrouillage, ne s’avère pas de tout repos, et c’est à la fois logique et compréhensible. L’essentiel étant d’éviter les dérapages et de rompre définitivement avec le passé tout en avançant sûrement sur la juste voie de la démocratie, des libertés et des droits de l’Homme.

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